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C'est Pas Juste !
Les ouvriers de la onzième heure, Mat. 20 : 1-16

Homélie du Père François CHAUBET
Cathédrale St.Etienne - Toulouse

Certains textes d’Évangile sont quand même bien encombrants. Ils laissent 99 brebis pour celle qui est partie, il y aurait plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se converti que pour 99 justes qui font ce qui doit être depuis toujours. Les ouvriers de la dernière heure seraient payés comme ceux qui ont supportés le poids du jour. Il revient après avoir dilapidé l’héritage paternel et il serait reçu dans la joie.

Soyons honnête, parfois nous avons du mal du mal à comprendre le comportement de ce Dieu dont la justice ne cesse de nous dérouter. Avec les pharisiens, avec le frère du prodigue n’avons nous jamais eu envie de dire: “C’est pas juste”. Il faut bien toute notre éducation chrétienne pour que l’on fasse l’effort de maîtriser le petit sursaut d’indignation, d’incompréhension, qui nous saisit alors.

C’est pas juste ? Laisser moi vous conter une petite histoire :

"Enfin le Christ revient il est signalé il sera bientôt là. Avec lui, on le sait, on le craint, vient le temps du jugement pour les vivants et les morts. Une estrade est dressée, dessus un trône somptueux entouré de treize trônes plus petits, pour Marie et les Apôtres. Devant l’estrade, rassemblée, l’immense foule des hommes de tous les temps et de toutes les races, langues, peuples et nation. Une question court sur toutes les lèvres: “et si je ne faisais pas partie des élus”.

Tout à coup plus un bruit, Le Christ en gloire entouré de Marie et des Apôtres arrive. Ils s’installent. Le silence se fait, pesant, et l’inquiétude commence à saisir tous ceux qui ont le sentiment de leur propre faiblesse. Devant leurs yeux défilent alors les péchés, les manquements d’amour de toute une vie.

Pourtant dans cette foule certains sont confiant: “ma foi certes comme tout le monde j’ai bien quelques petites peccadilles à me reprocher mais dans l’ensemble j’ai respectés les commandements, Je suis allé à la messe comme on me le disait, j’ai été charitable comme il est ordonné de l’être, je me suis confessé régulièrement, oui ma foi je pense que cela devrait aller”.

La haut, sur l’estrade, le Christ et les apôtres tiennent conseil. Le temps s’écoule lentement. La peur s’installe dans le coeur des hommes.

Enfin, un des Apôtres se lève, c’est Pierre, celui qui a la garde des clés du royaume. Il s’avance et clame d’une voix forte: "Tout le monde est sauvé”. Silence personne n’ose y croire, alors Pierre répète: ”Tout le monde est sauvé”.

Enfin l’immense foule des Saints laisse éclater sa joie en action de grâce, danse, chant. De bouche en bouche cette nouvelle merveilleuse est portée à ceux qui trop loin n'ont pu entendre l’annonce d’un tel bonheur.

Mais de ce coeur joyeux s’élève des voix discordantes : “C’est pas juste !". D'abord tout bas et dispersées, puis plus fort et plus nombreuses : “C’est pas juste ! je me suis fatigué toute ma vie a observer la loi, je suis allé à la messe, j’ai été charitable, je me suis confessé, je me suis privé de plein de bonnes choses. Et eux, comme moi, seraient sauvés, alors qu’ils n’ont rien fait : C’est pas juste !” Alors, en râlant, ils préfèrent s'en aller d'eux-mêmes, plutôt que de rester avec "tous ces pêcheurs", et ils quittent le paradis terrestre enfin restauré."

Que veut dire ce conte?

Ces hommes sont imbus de leur propre justice. Si ils sont sauvé, croient-ils, c’est par l’accumulation de leurs propres mérites, ils n’ont pas besoin d’être rendu juste, ils se sont rendu juste. Ils n’éprouvent donc pas le besoin de crier "Pitié !" vers Dieu.

Ainsi ils rendent inutile ce don qui nous rend juste devant Dieu, ils se coupent de la justification offerte par le Christ. Ils n’acceptent pas la réalité du salut et qui plus est d’un salut offert à tous. Ils refusent ce salut qui ne correspond pas à ce qu’ils en attendaient et se condamnent eux même à s’en priver, et quittent alors le jardin.

Quand, comme tout à l’heure je dis: “c’est pas juste” est-ce la justice de Dieu que je contemple ou bien est-ce ma propre justice ? Ramenons-nous la justice de Dieu à quelque chose que nous pouvons comprendre maîtriser ? ou acceptons-nous que Dieu soit mystère, acceptons-nous de nous réjouir à cette folie ? J’ai envie de paraphraser Saint Paul “Ce qui est injuste pour les hommes est justice pour Dieu”.

Il n’y a qu’un seul Juste dans l’histoire des hommes. Jésus le Christ. Lui qui fut cloué au bois de l’injustice pour faire de nous des justes devant Dieu. La seule référence à la justice devrait-être une référence au comportement même du Christ.

Quand dans notre vie ces notions de justice ou d’injustice reviennent soumettons les au regard aimant du Christ. Alors au risque de ne plus être compris par nos frères, au risque de trouver la croix sur notre route, nous suivrons le seul juste, nous nous réjouirons d’un salut offert au plus grand nombre, nous laisserons le troupeau pour aller chercher la brebis que l’on croyait, qui se croit perdue, notre soeur.

Père François CHAUBET, en la cathédrale St.Etienne, Toulouse


sept. 2011, webmaster: Denis Corpet